Entrainement course à pied

L’ÉTIREMENT DÉCORTIQUÉ

S'étirer avant,  après ou pas du tout...

S’étirer avant et après l’entraînement. La pratique semble évidente, mais est de plus en plus remise en question. Certains allèguent que le fait de s’étirer avant de faire un exercice améliore les performances, en plus de réduire le risque de blessure, alors que d’autres, qui n’ont jamais fait d’étirements, n’y voient aucun intérêt.


Le Dr Ian Shrier, M.D., Ph. D., spécialiste en médecine sportive à l’Hôpital général juif de Montréal et ancien président de l’Académie canadienne de médecine du sport et de l’exercice, a été l’un des premiers à affirmer que l’étirement avant le sport ne diminue pas le risque de blessure. Cette observation, faite après l’analyse de la littérature existante sur les différents aspects de l’étirement, a ensuite été confirmée par plusieurs études et experts à travers le monde.


Vous êtes, par exemple, en train de courir. Vos muscles se contractent et, tout à coup, vous commencez à ressentir de la douleur. « Cette sensation de douleur, c’est un avertissement que le corps nous envoie pour prévenir les blessures. Le problème avec les étirements, c’est qu’ils ont un effet analgésique sur nos muscles. Ils faussent notre perception de la douleur. Cela n’aide en rien à prévenir les blessures », explique le Dr Shrier.


S’étirer avant de pratiquer un sport affecte également de façon négative les performances. Un muscle venant d’être étiré ne peut plus générer 100 % de sa force habituelle en raison de la fatigue suscitée, mais plutôt de 90 % à 98 % de celle-ci, selon le spécialiste, ce qui diminue les performances du sportif.


PRIORISER L’ÉCHAUFFEMENT

Alexandre Delafontaine, membre du Conseil chiropratique des sciences et des sports du Québec, affirme même qu’il existe un « consensus » pour proscrire la pratique des étirements avant le sport.


« Toutes les études démontrent actuellement que les étirements passifs effectués avant l’exercice n’ont pas d’effet ou un effet négatif sur les performances et augmentent le risque de blessure. Et ce, autant pour les sports de puissance, de vitesse, d’agilité que pour les sports d’endurance. »


— Alexandre Delafontaine, chiropraticien


Selon ce dernier, les gens doivent prioriser un échauffement « dynamique » à des étirements passifs. Cette façon de faire permet de préparer le système cardiovasculaire et les muscles à l’effort. « Ce qu’on veut, avec un échauffement dynamique, c’est préparer le corps et augmenter sa température. Mais il faut faire cela sans entrer dans une zone de fatigue », précise le Dr Delafontaine.


Un bon échauffement consiste à faire le même exercice que l’on s’apprête à faire, mais de façon plus lente et à un rythme plus modéré. Pour un coureur se préparant à une course, un petit jogging est ainsi tout désigné.


Qu’en est-il des sports qui demandent une grande flexibilité comme la gymnastique, la danse et le patinage artistique ? Selon Alexandre Delafontaine, les adeptes de ces sports peuvent inclure dans leur routine une séance d’étirements statiques de 5 min par groupe musculaire (3 x 90 s), à condition qu’ils soient faits après une période d’échauffement dynamique.


S’ÉTIRER APRÈS L’EXERCICE ?

Selon le Dr Delafontaine, les étirements après l’exercice permettent d’éviter ou de réduire les raideurs qui surviennent après la pratique de l’activité physique.


Pas question toutefois de s’étirer à la va-vite. Il faut procéder à quatre étirements de 90 secondes d’un muscle pour en tirer des bénéfices, explique le chiropraticien. « Avant, on pensait que 60 secondes étaient suffisantes, mais on réalise aujourd’hui que 90 secondes sont nécessaires pour profiter de l’effet viscoélastique. »


Selon le Dr Shrier, la durée idéale d’un étirement demeure sujette à débat. « Certains chercheurs croient que le fait d’étirer un muscle trop longtemps peut amener de moins bons résultats. Il semble également que la durée optimale d’un étirement dépende beaucoup du muscle qui est visé. »


PAYANTE RÉGULARITÉ

Par ailleurs, le fait de s’étirer de façon régulière, à d’autres moments qu’avant ou après le sport, peut être bénéfique, selon le Dr Shrier. « Il n’y a que trois études qui ont été réalisées sur le sujet, mais elles démontrent toutes que les étirements réguliers sont bénéfiques. Il y a une réduction du risque de blessure de 27 % dans celles-ci », souligne-t-il, dans le cours en ligne The Body Matters, donné en collaboration avec l’Université McGill. Selon l’expert en médecine sportive, le fait de s’étirer régulièrement sur une longue période de temps produit de l’hypertrophie, à la manière d’un haltérophile qui, à mesure qu’il soulève des poids, voit sa force augmenter.


De son côté, Jean-François Cloutier, entraîneur-conseil et coauteur des livres Courir au bon rythme 1 et 2, signale l’importance de s’étirer au minimum deux ou trois fois par semaine. « C’est quelque chose de payant à long terme, car ça amène une plus grande souplesse musculaire. Ça évite les blessures et les petits bobos. Généralement, on se sent mieux après s’être étiré. » 


« Cela dit, il y a des gens qui ne s’étirent pas et qui n’ont jamais de problèmes. Mais pour d’autres, c’est un besoin. C’est comme boire de l’eau. Lorsqu’on a besoin de s’étirer, on le sent. »


— Jean-François Cloutier, entraîneur-conseil


Le chiropraticien Alexandre Delafontaine ne recommande pas nécessairement aux athlètes accomplis de s’étirer de façon régulière. « Présentement, il n’y a pas de démonstration claire des effets de l’étirement régulier, dit-il. Personnellement, je le recommanderais surtout à des personnes qui sont actives moins de trois fois par semaine et qui passent leurs journées dans un bureau. Ces personnes devraient s’étirer le soir, après le travail, mais jamais en se levant le matin. » S’étirer à froid peut en effet produire des déchirures musculaires ou d’autres blessures.


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